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Quand ta fille a 25 ans, tu paniques

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Quand ta fille a 25 ans, tu paniques dans Ma classe de gym wedding_hands

source: The Brackety-ack

« Quand ta fille a 21 ans, ça commence à te préoccuper. Quand elle a 23 ans, tu entames sérieusement les recherches. Quand elle a 25 ans, tu paniques. Et quand elle a 28 ans, tu es complètement désespérée et prête à supplier. »

Les deux ventilateurs tournent à toute vitesse – les pales de l’un d’entre eux, mal équilibré, heurtent régulièrement le plafond. Il fait très chaud dans cette chambre du 21ème étage nous faisant office de salle de gym. On éclate toutes de rire et Huvra – une petite brune à lunettes – s’essuie les yeux : « c’est trop vrai ! »

Ce matin, comme tous les lundi, mercredi et vendredi, notre groupe de femmes d’âge moyen et de confessions religieuses diverses s’est retrouvé pour tenter de réparer les outrages que le temps – et le mode de vie très sédentaire de Bombay, où les trottoirs ne sont pas faits pour marcher – inflige à notre silhouette.  Comme souvent, la discussion tourne autour de mariage. Car la fille de Bini, notre coach, a désormais 22 ans et va bientôt obtenir son diplôme de juriste. Elle est « bonne à marier » et les propositions commencent à arriver.

« Elles arrivent comment ?» Ça évidemment, c’est Bombay Magic qui après 10 ans est toujours aussi curieuse de la vie des ses consoeurs d’adoption. Et puis pendant qu’elle pose ses questions, elle met subrepticement en pause sa série de ciseaux. On l’a dit, à Bombay en mai, il fait chaud.

« Elles arrivent par écrit le plus souvent, par e-mail ou par What’s app. Ça se sait, qu’on a une fille prête à marier. Alors les familles qui cherchent une épouse pour leur fils nous contactent. Soit directement, soit via une relation. »

« Et tu en reçois beaucoup ? »

« Cinq par mois, au moins. Généralement ils envoient une photo, avec une petite lettre présentant le garçon et la famille, parfois un CV. Avec mon mari, on fait le premier tri, et puis on montre à notre fille. Si la photo du garçon lui plait, elle fait des recherches sur Facebook et si elle est intéressée, elle le contacte sur les réseaux sociaux pour organiser un rendez-vous. »

« Elle fait ça elle-même ? » s’étonne Madhulika, la grande voluptueuse aux allures d’apsara.

« Vous êtes très ouverts, fait remarquer Huvra. Autrefois, c’était une seule rencontre, organisée par les familles. Les deux familles au grand complet se rencontraient chez la fille autour de copieuses quantités de chai et de gâteaux sucrés. Les mères menaient l’interrogatoire. Au  mieux, le garçon et la fille avaient droit à une demi-heure en tête à tête dans la pièce d’à côté, puis ils devaient donner leur décision. »

« C’est vrai , se rappelle Madhulika, maintenant ils peuvent se rencontrer plusieurs fois, sortir dîner, avant de se décider. »

« Combien de fois ? » demande Bombay Magic, décidément plus curieuse qu’une chèvre de Chor Bazar.

« Trois ou quatre fois … Et puis Facebook ça aide beaucoup. Ca permet de se faire une meilleure idée de qui est l’autre, de ses qualités.»

Mmm… Comme d’habitude, je trouve ça d’une grande violence. Rencontrer quelqu’un et décider s’il va faire l’affaire pour la vie. S’engager, à froid, à coucher avec lui pour les décennies à venir (d’autant plus que le viol conjugal n’est pas reconnu en Inde). J’en fais la remarque à voix haute.

« C’est pour ça que le sexe ne vient pas tout de suite », fait remarquer Huvra.

« Oui, il peut mettre très très longtemps à venir, ajoute Madhulika. Les fiançailles sont longues. Parfois d’ailleurs, on les rompt. C’est assez fréquent. Les fiançailles, c’est une façon de sortir ensemble, avec l’approbation de la famille et en sachant clairement que le mariage est au bout du chemin. »

Bini, la coach, nous faire remarquer qu’on n’en fiche pas une aujourd’hui, que d’accord on transpire sur nos tapis mais que si on était assise à lire Times of India sur le balcon en grignotant des chikkis, on transpirerait de la même façon. C’est la chape de l’implacable chaleur de mai, celle qui nous fait fantasmer de pluies diluviennes et guetter l’assombrissement du ciel à l’approche de la mousson.

Juste d’avant d’entamer mes « squats, deux séries de 200 ! Allez !», j’en profite pour demander à Bini :

« Quand tu dis que tu filtres les candidatures, (ça y est j’ai adopté un vocabulaire de recherche d’emploi) tu veux dire quoi exactement ? »

« On regarde les études. C’est très important pour mon mari et moi que le garçon ait fait de bonnes études. Et puis on regarde la famille. Il y a des familles très religieuses, des familles qui ne le sont pas du tout, et puis d’autres qui respectent les traditions, mais qui sont ouvertes d’esprit tout de même. Nous, c’est ce qu’on cherche, pour notre fille. »

« Parce que tu comprends, Hélène, ajoute Madhulika, en Inde, quand tu te maries, ce n’est pas un homme que tu épouses, c’est toute sa famille. »

Vue le nombre de fois où une amie a du annuler un déjeuner parce qu’elle devait emmener sa belle-mère chez le cardiologue, où vu la quantité de photos de vacances avec mari-enfants-belle-maman-beau-papa-beau-frere-belle-soeur que j’ai du liker sur Facebook (oui l’Inde est en passe d’offrir à Facebook sa plus large base d’utilisateurs au monde), je n’en ai jamais douté. Mais quand même, cette persistance des mariages arrangés dans la société indienne urbaine du XXIème siècle, ça m’interpelle. Je prends Bini de front:

« Mais si ta fille voulait un mariage d’amour ? »

« On serait d’accord. C’est elle qui nous a demandé un mariage arrangé. Elle veut pouvoir se consacrer à sa carrière et elle n’a pas envie de perdre du temps à socialiser pour trouver un mari. »

« Oui, aujourd’hui dans nos milieux, la demande vient souvent des enfants, ils ont la trouille de ne pas savoir choisir , ou pas le temps», précise Madhulika.

« Trouve-moi quelqu’un, Mah … », elles ont toutes dit ça en même temps, d’un ton un peu plaintif avant d’éclater de rire.

Et puis Bini, qui peut-être commence à s’inquiéter pour sa fille, redevient sérieuse : « C’est pour ça qu’il vaut mieux commencer à chercher tôt. Arrivée à 30 ans c’est beaucoup plus dur. En plus, à cette âge-là, elles ont des personnalités beaucoup plus fortes. C’est plus dur pour elles, de faire les ajustements pour s’adapter à leurs belles-familles. »

Voilà un an que Bombay Magic a commencé une classe de gym dans le quartier musulman de Bombay Central. Ses compagnes de transpiration sont hindoues ou musulmanes, certaines viennent en ridah, le vêtement traditionnel de la communauté Bohri ou même en burka. D’autres viennent en leggings et débardeur moulant. Voilà un an que Bombay Magic entend des conversations qu’elle trouve absolument passionnantes. Ce billet démarre « Ma classe de gym », un nouvelle rubrique de ce blog. Si vous aimez ces potins en direct de mon nouveau laboratoire de sociologie, laissez moi un commentaire !

Et n’oubliez pas, Bombay Magic, c’est aussi sur Facebook et sur Twitter.


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